Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours aimé la nuit. Quand j’avais onze ans, nous restions perchés avec mon frère jumeau, sur le balcon surplombant la ville, et nous regardions, par temps clair, les avions qui atterrissaient et qui décollaient de l’aéroport Charles de Gaulle. Nous les regardions « faire la course » comme on disait.
Je me souviens que je regardais les avions, en imaginant où ils décollaient. Où ils atterrissaient. J’imaginais le voyage, au-dessus des nuages. J’imaginais les voyageurs, assis dans l’habitacle, allant rejoindre des bouts de vie autre part. Je les imaginais partir, loin. A l’aventure. A l’inconnu.
Imagination débordante que j’avais quand j’étais jeune, imagination nourrie par l’envie. L’envie de les rejoindre. L’envie stupide de pouvoir sauter de mon balcon/terrasse, et que de mon dos se déploient des ailes qui m’emporteraient aussi, loin. A l’aventure. Vers l’inconnu.
Cette envie d’aller voguer vers d’autres cieux, où de palpitantes aventures m’attendraient, se présentaient toujours au crépuscule, quand j’observai le soleil rosir l’horizon. Je me demandais alors, jeune, naïve : « Qu’y-a-t-il derrière cette ligne trouble ou je vois le soleil se coucher au loin ? ».
Je me demandais, naïvement, si une jeune préadolescente un peu potelée, noire, affublée de lunettes et d’un appareil dentaire pour y vivre d’épiques aventures.
10 ans plus tard, alors que les courses d’avions se sont arrêtées, et que je ne fixe plus la ligne trouble de l’horizon, je suis toujours sur le chemin. Je suis une jeune femme noire, ronde, potelée, vivant à Paris. Je suis toujours autant affamée d’aventure, avide de croquer la vie à pleines dents, même si je ne sais pas exactement ce que ça veut dire « croquer la vie à pleines dents ».
Je me souviens que j’avais l’habitude de dire ça quand j’étais adolescente, quand j’étais encore au lycée. Je disais que je voulais « croquer la vie à pleines dents ». Je ne savais même pas ce que cela voulait dire exactement. Je savais juste que mon appétit d’aventure, mon appétit de fous rire, mon appétit pour la vie, était lancinant, presque douloureux, et que je commence à peine à le satisfaire. Pourtant, je ne suis pas encore allée découvrir d’autres cieux. Je suis juste là, à peine découvrir les nuits parisiennes, la vie d’une fille vivant en banlieue, à me découvrir moi aussi. A découvrir ce que la vie a à proposer à une jeune femme ronde et noire comme moi.
10 ans plus tard, me voilà, filant dans la nuit, nichée dans le confortable silence d’un taxi parisien, un de mes rares luxes. Je suis un peu pompette, prompte à l’introspection, mais aussi prompte à m’enfuir dans mes pensées. J’ai envie de parler de mes aventures. J’ai envie de parler des aventures de mes amies, qui me ressemblent. J’ai eu beau lire, je n’ai jamais trouvé d’histoires qui me ressemblaient, qui nous ressemblaient. Rendons nos histoires ordinaires épiques.
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