Ce texte a une vocation cathartique. Il est voué à évacuer l’intense colère qui me ronge depuis ces derniers jours, qui masque la peur et l’angoisse latente qui m’habite depuis que j’ai compris, il y a quelques années que mon vote avait permis l’accession au pouvoir de gens qui n’incarnaient pas ce que je considérais comme étant la gauche. Mon premier vote avait participé à la nomination de Valls au pouvoir. Mon premier vote avait eu pour conséquence la Loi Travail. Les polémiques sur le burkini et le voile à l’Université, entre autres défenses d’une ministre du droit des Femmes qui se permet d’utiliser à tort l’histoire de la traite négrière pour déclamer son islamophobie. L’inaction totale sur la question des discriminations raciales. Le détricotage de la loi sur l’encadrement des loyers. Les photos horribles des évacuations violentes des migrants par les CRS. Tout ce contre quoi j’avais voulu lutter en votant pour la première fois, , contre Sarkozy et POUR la gauche, un programme socialiste. Enfin c’était ce que je croyais en 2012 hein, j’avais 20 ans, faut m’excuser… J’ai vite été déçue.
Cette déception, cette peur, cette colère, je l’ai manifesté de plusieurs manières au fil des années: manifestations diverses, pétitions, threads de tweets interminables, des textes sur ma possible abstention… Depuis 2014, je craignais l’arrivée du Front National, dont on assimilait le vote à un vote de contestation, de protestation et moins à un vote d’adhésion. Pourtant, les idées du FN se propageaient à la une de journaux dit respectables, les représentants du FN étaient accueillis sur tous les plateaux télés à toute heure comme des personnes aux idées acceptables. Il fallait vendre peut-être. Question d’audimat peut-être. En tout cas, les idées d’extrême droite passent de bouche en bouche, en une version plus ou moins édulcorée. Les attentats attisent ce phénomène et bientôt on parle « terrorisme / voile à l’Université/ immigration » en boucle. Le FN n’a plus rien à faire ou presque.
Accablée, je voyais celleux, au pouvoir, qui étaient censés nous « protéger contre le danger du FN » nous jeter au diable. Jouer avec le feu. Récupérer les sujets du Front National » parce que le FN c’est grave mais il faut parler de leurs sujets hein ». Ils étaient tous trop occupés à débattre sur la sémantique du mot islamophobie, sur la longueur des jupes, sur les moyens d’organisation des antiracistes pour aller combattre les vrais fachos et les ennemis de la démocratie. Pendant qu’on interdisait les manifs pour la COP 21, le Front National s’organisait et avait carte blanche sur tous les plateaux télés et les émissions de radios. Ceux au pouvoir pensaient peut-être qu’ils allaient être meilleurs que Marine Le Pen à ce jeu alors que c’est son parti qui a inventé les règles. On a vu ceux qui nous ont tourné le dos, qui ont bafoué leurs promesses, planté des couteaux dans le dos qui ont dédaigné l’abstention qui grandissait au fil de ces dernières années. Ignorer les sonnettes d’alarmes tirées, encore, encore ET ENCORE jusqu’à la catastrophe.
Nous voilà au second tour de l’élection présidentielle.
Celleux qui nous ont ignorés pendant toutes ces années ne font même plus mine de nous séduire. C’est avec une arrogance et un mépris incroyable que ces gens nous somment de réparer leurs erreurs. Suffisants, ils se parent d’un rôle de sauveteurs d’une démocratie qu’ils ont entamé avec des lois comme celles sur le Renseignement et sur le Fichier Monstre et nous jettent un « vote pour moi connard ! Tu es un irresponsable si tu ne le fais pas, ne vois-tu pas le FN en face ! Comment peux-tu nous comparer à eux ? ». Alors que depuis des années, ils se targuent de récupérer l’électorat FN en voulant parler de ces sujets. C’était ça leur cible non, aux caciques du PS comme Valls ? Un électorat FN qu’ils pensaient protestataire ! D’ailleurs c’est du bout des lèvres que Valls comme Mélenchon proposent comme réponse aux quartiers populaires: » plus de police de proximité » comme si c’était là, via un outil répressif, la seule réponse que l’on peut attendre quand on habite lesdits quartiers.
Nous voilà à la veille au second tour de l’élection présidentielle, et celleux qui ne nous ont pas écouté pendant ces 5 dernières années se targuent de vouloir nous sauver d’un danger qui, hormis pendant le cours temps des élections, semble à leurs yeux ma foi plutôt acceptable. Ce personnel politique qui frémit à minuit moins le quart, alors que l’on crie l’arrivée de la nuit depuis des heures sans que cela ne les dérange. Ces gens qui refusent le dégoût que peuvent inspirer leurs leçons de morales bien trop tardives et qui, encore maintenant refusent d’écouter et de comprendre pourquoi on en arrive là.
Nous voilà à la veille du second tour et j’ai la peur au ventre, le coeur au bord des lèvres à l’idée de voter, écrasée par le poids de cette soudaine et absurde responsabilité à laquelle n’est attachée aucun pouvoir de décision sur les actes du/de la président.e ( le précédent mandat me l’a fait comprendre à de nombreuses reprises), envieuse des électeur.rices fachos de Marine Le Pen qui votent pour quelqu’un qui a fait mine de les écouter.
J’aimerais tellement clore ce texte par un brin d’optimisme, mais il a été écrasé toutes ces années par l’injonction au réalisme et au pragmatisme à coup de 49.3. Et maintenant, je n’ai même plus le droit d’utiliser ma dernière ressource pour manifester mon dégoût, il faut que je participe au banquet des « sauveteurs de la démocratie » qui A AUCUN MOMENT N’ONT FAIT MINE DE SE RESPONSABILISER. Je vais aller voter la mort dans l’âme, le coeur brisé en sachant que les co responsables vont retourner/arriver au pouvoir par ma faute et que c’est certainement pas comme ça que le rapport de force va s’inverser.
« Pince-toi le nez et vote ». Jusqu’à quand ?
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